DES ANIMAUX ALLANT DES HOMARDS AUX ABEILLES POURRAIENT êTRE «CONSCIENTS»

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — Des biologistes, des spécialistes des sciences cognitives et des philosophes du monde entier affirment qu'il existe une possibilité raisonnable que la grande majorité des créatures sur Terre soient sensibles d'une manière ou d'une autre.

La déclaration de New York sur la conscience animale, publiée vendredi, compte trente-neuf signataires issus d'universités allant du Canada à l'Australie, qui affirment qu'il existe «au moins une possibilité réaliste» que tous les vertébrés et de nombreux invertébrés soient dotés d'une conscience.

La déclaration s'appuie sur des études récentes qui montrent que les couleuvres peuvent reconnaître leur propre odeur, que les corbeaux peuvent rapporter ce qu'ils voient, que les pieuvres peuvent éviter la douleur et que les mouches du vinaigre peuvent dormir ― et qu'elles dorment mieux lorsqu'elles sont en compagnie d'autres mouches du vinaigre.

À titre d'exemple, Kristin Andrews, qui est professeure de philosophie à l'Université de York, explique que les données scientifiques confirment l'hypothèse selon laquelle un poisson qui se fait attraper par un hameçon «ressent quelque chose», mais il n'est pas encore clair si ce quelque chose est de la douleur ou de la détresse.

Selon elle, les preuves montrent qu'il est raisonnable de traiter ces créatures en conséquence, en adoptant des méthodes de pêche qui tuent rapidement les poissons ou en abandonnant la pratique consistant à faire bouillir les homards vivants.

Mme Andrews était l'une des trois principales organisatrices de la déclaration. Elle affirme qu'une meilleure compréhension de la sensibilité chez les écrevisses ou les crabes aide les chercheurs à comprendre la conscience chez des animaux plus complexes comme l'homme.

«Nous ne disons pas que ces animaux ont des monologues internes. Ce que nous abordons ici est un niveau cognitif très simple : la capacité de ressentir quelque chose, la capacité d'avoir une expérience interne», a déclaré Noam Miller, un professeur de biologie et de psychologie qui dirige le Laboratoire de cognition collective de l'Université Wilfrid Laurier.

Il n’existe pas de définition acceptée de la conscience, ni de test spécifique permettant de l’identifier. Par conséquent, il n’existe aucun moyen réel de déterminer scientifiquement que quelque chose – même une personne – a une conscience, souligne M. Miller.

Mais il existe de nombreux «marqueurs comportementaux» de conscience reconnus qui peuvent être testés rigoureusement et scientifiquement, comme la prise de décision ou l'aversion à la douleur, précise-t-il. Les scientifiques ont récemment commencé à effectuer ces tests sur des créatures simples, comme les abeilles, les écrevisses et les homards, et ils ont obtenu des résultats étonnants.

Une étude de 2022 a montré que les bourdons font rouler de minuscules boules de bois sans autre raison que le fait que ça les amuse. Les écrevisses présentent un comportement «anxieux», qui change si on leur donne des benzodiazépines, selon des études publiées entre 2014 et 2017. Et en 2019, des scientifiques ont découvert que les poissons nettoyeurs semblent reconnaître devant un miroir une marque inconnue sur leur corps et qu'ils essaient de l'enlever.

La déclaration publiée vendredi rassemble des recherches qui montrent que certaines créatures présentent des marqueurs comportementaux de conscience et concluent que parce qu'elles possèdent ces marqueurs, il est raisonnable de supposer qu'elles ont une conscience, a expliqué M. Miller. La déclaration met les gens – y compris d’autres scientifiques – au défi de cesser de supposer que ces animaux sont insensibles ou incapables de ressentir quelque chose.

«Nous parlons de modifier notre hypothèse initiale plutôt que de faire une quelconque déclaration définitive dans un sens ou dans l'autre», a-t-il affirmé. 

Sarah Smellie, La Presse Canadienne

2024-04-22T18:12:27Z dg43tfdfdgfd