EN ONTARIO, LE MéTIER DE SOMMELIER A LE VENT DANS LES VOILES

C’est une salle de classe un peu particulière : on y parle de cépages et de terroir, de nez et de fin de bouche. Bienvenue à la Sommelier Factory, une école pour sommeliers située à Toronto.

Ce matin ils sont cinq à écouter religieusement Bruce Wallner, sommelier et fondateur de l'école, décrire la différence entre Sancerre et Brouilly, carte de la France à l’appui et bouteilles débouchées en évidence.

Pendant 18 semaines, ces aspirants sommeliers se familiarisent avec les subtilités du vin. Le cursus les prépare à la Cour des maîtres sommeliers. Cette certification reconnue mondialement est le Saint-Graal de qui veut exercer le métier dans les grands établissements.

Lee Stein fait partie des étudiantes de M. Wallner. Après une expérience dans un restaurant de fruits de mer puis dans un club de dégustation de vins, elle a décidé de se lancer à son compte. Elle a un projet centré autour des accords mets vins, dans des restaurants éphémères, en y associant son amour naissant pour l’œnologie.

Je veux apprendre le plus possible parce que j'aime vraiment les histoires qui entourent le monde du vin.

Or, si Mme Stein souhaite que son projet soit crédible, elle se doit de sanctionner son expertise par un diplôme. Car le ticket d'entrée pour devenir sommelier le requiert.

Course à l’armement pour les étoiles

Avec plus de 60 % de la production nationale de vin, l’Ontario s’impose comme la première province viticole du pays. De plus, sa réputation n'est plus à faire à l'international pour les vins de glace. Le secteur est en pleine croissance et offre de nouveaux débouchés, comme pour les sommeliers.

Nous avons constaté une augmentation de plus de 30 % de nos membres au cours des trois dernières années se félicite James Peden, président de l’Association canadienne des sommeliers professionnels en Ontario.

En deux décennies dans le secteur, il a vu l’évolution du métier accompagner l’essor de la scène gastronomique de la Ville Reine depuis l’arrivée des premières étoiles Michelin en 2022. S’en est suivi une course à l’armement chez les prétendants qui a élevé, de l’avis de M. Peden, le niveau général, non seulement des cartes des vins, mais de la qualité du service.

Une tendance confirmée par Nabilah Rawji, qui donne des cours à la Sommelier Factory. L'école a dû augmenter le nombre de cours pour répondre à la demande croissante, dit-elle.

Mme Rawji a également remarqué un changement de paradigme : Les employeurs s'impliquent davantage dans la formation de leur personnel. Ils prennent en charge les frais de formation, ce qui témoigne, selon moi, de l'état actuel de notre communauté de restaurants à Toronto.

Faire de la place pour des profils différents

Les profils eux aussi ont changé. Certains n'ont jamais travaillé dans des restaurants, ce qui était impensable il y a seulement dix ans, c'est tout à fait inédit note M. Peden.

C’est justement il y a dix ans que Mme Rawji a délaissé sa carrière dans l’écologie pour se consacrer à sa passion pour le vin. Elle suivait les mêmes cours qu’elle offre aujourd’hui avec Bruce Wallner, le fondateur de la Sommelier Factory.

La passion est toujours intacte, et la formatrice se projette : Je suis très enthousiaste pour les dix prochaines années. Je pense qu'il y a tant de choses à explorer et que les esprits sont un peu plus ouverts.

Longtemps jugé élitiste, le métier cherche à casser le plafond de verre et joue la carte de la diversité.

Beverly Crandon et Mme Rawji ont lancé Vinequity, qui offre des bourses aux aspirants sommeliers issus de la diversité pour faciliter leur accès à la profession.

Son associée dans l’aventure est elle aussi un exemple de parcours atypique. Après un début de carrière dans la vente et le marketing, Mme Crandon s’est reconvertie pour devenir sommelière certifiée et a fondé le festival de gastronomie Spring Into Spice. Nous avons des membres et nous soutenons des personnes dans tout le Canada, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique, pas seulement en Ontario, explique-t-elle.

Durant son parcours, la sommelière d’origine guyanaise s’est parfois sentie ridicule, gênée dans un milieu où ses références culturelles n’étaient pas valorisées. Lorsqu'en dégustant des vins, dit-elle, j'évoquais quelque chose de mon enfance, mais personne n'avait de notion de la culture caribéenne.

Parce qu’elle ne veut pas que quelqu’un se sente comme ça elle a créé un espace où les personnes issues de la diversité puissent déguster du vin et apprendre sur le vin dans un endroit où ils ne se sentiront pas gênés et qui ne leur fera pas sentir qu’ils n’en sont pas pas dignes.

Quitte à peut-être susciter des vocations.

2024-06-15T08:20:47Z dg43tfdfdgfd