GLACE ET ANTI-INFLAMMATOIRES : LE GRAND MYTHE

Blaise Dubois est ultra-marathonien et physiothérapeute. Depuis plus de 20 ans, il mène des recherches sur le jogging, cosigne des articles scientifiques et enseigne la science de la course à titre de chargé de cours universitaire.

Son travail l’amène à éplucher régulièrement les études scientifiques écrites sur le jogging. Aujourd’hui, son constat – et celui du monde de la recherche – est sans équivoque.

Pourtant, dans les cabinets de médecins et les cliniques de physiothérapie, le recours à la glace et aux anti-inflammatoires est courant. En fait, ce sont plus de 60 % des consultations médicales qui se soldent par la prescription d'un anti-inflammatoire.

Les médecins sont attachés psychologiquement à leurs anti-inflammatoires, constate le spécialiste. Les physios sont attachés psychologiquement à leur glace. On a de plus en plus de preuves qui montrent que la glace et les anti-inflammatoires ne sont pas nécessaires et même potentiellement nuisibles.

Gare aux anti-inflammatoires

Les médicaments comme Advil et Motrin sont en vente libre, ce qui donne l’impression qu’ils sont inoffensifs. Or, ce n'est pas le cas, avise Blaise Dubois.

L'ibuprofène soulage la douleur. Mais à quel prix? se demande Blaise Dubois. Les médicaments vont avoir un effet bénéfique sur le court terme, dit-il. Ils inhibent la douleur, ce qui permet de retourner plus rapidement à son activité sportive.

Mais à long terme, la prise d’anti-inflammatoires a des effets délétères sur la guérison tissulaire. En effet, loin d’être une mauvaise chose, l'inflammation est un processus naturel qui permet d’accélérer la guérison des tissus. Inhiber ce mécanisme à l’aide de médicaments n’est donc pas sans conséquences, rappelle le physiothérapeute.

Lors de l'inflammation, il y aura un appel de cellules qui vont venir nettoyer les structures, apporter de l'eau, créer un œdème local, explique Blaise Dubois. Quand on inhibe ce processus, les petits Pacman qui viennent nettoyer la zone problématique ne sont plus là.

Concrètement, on a plus de risques d'avoir un tissu qui va mal cicatriser, qui prendra plus de temps à guérir, souligne-t-il. On peut ainsi développer des fragilités qui augmentent le risque de récidive secondaire sur un même tissu.

Il poursuit avec un exemple simple : J'ai mal au tendon d'Achille, je prends des anti-inflammatoires, j'empêche la guérison optimale. Est-ce que dans deux semaines, dans deux mois, je risque de développer à nouveau une douleur au tendon d'Achille? Probablement que oui.

Et la glace?

Par ailleurs, de nombreux sportifs, comme bien d’autres personnes en passant, ont le réflexe d’utiliser la glace pour diminuer l’inflammation.

Ici, avec la glace, on est dans un flou scientifique total, reconnaît Blaise Dubois. Comme professionnel, on a le fardeau de la preuve. On doit démontrer que ces traitements sont efficaces. En ce moment, pour la glace, on n'arrive pas à le faire adéquatement. On croit même que la glace ne produit pas d’effet analgésique ou très peu.

Le physiothérapeute précise que la glace peut se révéler utile pour soigner, mais à un moment bien défini et dans des conditions précises.

On peut l'utiliser dans les minutes qui suivent la blessure et c'est principalement pour essayer de réduire le saignement d'une entorse importante. Et même dans ce cas-là, on manque de données suffisantes [pour confirmer son utilité], soutient-il.

Cela étant dit, Blaise Dubois aime rappeler qu’on est dans une médecine d'intervention. On veut faire quelque chose pour notre patient. On ne veut surtout pas qu'il nous reproche de ne rien faire, fait-il remarquer.

Le reportage du journaliste Danny Lemieux et du réalisateur François Perré est diffusé à l'émission Découverte le dimanche 15 septembre à 18 h 30 sur ICI Radio-Canada Télé.

Peace & love

Si l’Advil et la glace ne sont pas la panacée attendue, alors vers quoi se tourner? Pour diminuer la douleur, c’est simple : on prend de l’acétaminophène, comme le fameux Tylenol qui n'est pas un anti-inflammatoire.

Pour le reste, on suit la méthode PEACE & LOVE. Il y a quelques années, Blaise Dubois et son collègue de l’Université de la Colombie-Britannique Jean-François Esculier ont développé une approche pour le traitement des lésions musculosquelettiques. Cette dernière a d’ailleurs fait l’objet d’un éditorial dans le prestigieux British Journal of Sports Medicine.

En deux mots, PEACE & LOVE est un acronyme, une marche à suivre à la suite d’une blessure. Le PEACE rassemble des pratiques thérapeutiques à appliquer à court terme.

Au tout début, on protège (P) le membre blessé en diminuant la mise en charge exercée sur sa structure. On élève (E) la jambe à une hauteur plus élevée que le cœur. On évite la prise d’anti-inflammatoires (A). On utilise un bandage compressif (C). Finalement, on éduque (E) le patient sur les risques liés à la surmédicalisation.

Ensuite, c’est la période de réadaptation. À ce moment, on adopte les pratiques thérapeutiques LOVE.

On commence par une mise en charge progressive (L pour load), suivie d’une reprise graduelle des activités. On reste optimiste (O), car une attitude positive influence la perception de la douleur et la vitesse de rétablissement. Au jour trois, on peut recommencer une activité cardiovasculaire afin de faciliter la vascularisation (V) du tissu atteint. On fait ensuite des exercices (E) de souplesse et de renforcement pour assurer un retour optimal à la normale.

Devant une littérature scientifique pourtant abondante, pourquoi les mythes de la glace et des anti-inflammatoires perdurent-ils? Blaise Dubois a sa petite idée. On est pris dans nos habitudes professionnelles, soutient le coureur. Souvent, on fait des choses sans trop se questionner, simplement parce qu'on le fait depuis des années.

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