RéSISTER AU RéGIME IRANIEN, UNE BOUTEILLE DE VIN à LA FOIS

C’est dans un paysage typique du Périgord, dans le sud-ouest de la France, que Masrour Makaremi a voulu faire revivre le terroir de son Iran natal.

Dans les vignes qui s'étendent à perte de vue, une parcelle est réservée à la culture de la syrah, associée à la ville iranienne de Chiraz, que Masrour a été contraint de quitter à l’âge de neuf ans.

À des milliers de kilomètres de sa ville natale, cet homme qui est chirurgien dentaire à Bergerac, dans le département français de la Dordogne, s'investit depuis quelques années dans la culture viticole pour montrer qu’il y avait toujours cette résistance et qu'on ne peut pas tuer une culture.

En effet, si l’Iran a longtemps été un pays producteur de vin, cette culture s’est brusquement interrompue après la révolution islamique de 1979. C’est d’autant plus regrettable que des écrits du XVIIe siècle disent que le meilleur vin du monde est de Chiraz, indique Masrour Makaremi.

En créant Cyrhus, son vin nommé en hommage au premier empereur perse, il a donc tenté de reproduire la technique iranienne au mieux de ses connaissances.

Aujourd’hui, il y a des gens qui vinifient en cachette, mais il n’y a plus cette culture, explique-t-il.

Masrour Makaremi s’est donc basé sur les écrits d’un chercheur américain qui, à l’aide d'artéfacts recueillis en Iran avant 1979, a pu documenter le processus de production.

Une fois les raisins cueillis, le vin perse est vieilli pendant deux ou trois mois dans des amphores d’argile, que l’entrepreneur a pu se procurer en Italie.

Avec quelque 6000 bouteilles par année, la production est limitée, mais le projet est ambitieux. Pour y parvenir, Masrour Makaremi peut compter sur l’appui du vigneron Grégory Dubard, chez qui ses amphores sont entreposées et ses bouteilles assemblées.

De tout temps, le vin est un produit qui a permis aux civilisations d’échanger, assure le producteur de vin, fier de pouvoir s'associer à Cyrhus.

Combat familial

Le projet que porte Masrour Makaremi est fortement imprégné de son histoire familiale.

Dans la salle où le vin vieillit, deux amphores sont marquées des mots Ma patrie écrits en perse. C’est le père de Masrour, Hassan, qui les a calligraphiés.

Le père, le fils et la fille ont tous fui l’Iran dans les années 1980. La mère de Masrour n’a jamais pu les rejoindre. Arrêtée, elle a été tuée dans la grande vague d’exécutions menée par le régime de Téhéran en 1988.

On continue malgré les drames. Malgré tout ça, ça ne s'arrête pas. On continue, dit Hassan Makaremi qui, des décennies après son arrivée en France, est fier de toujours porter le statut de réfugié politique.

Dimanche, Masrour et sa sœur, l’anthropologue Chowra Makaremi, ont participé à la manifestation pour les droits des femmes organisée à Paris pour marquer le deuxième anniversaire de la mort de Masha Amini. Le 16 septembre 2022, en effet, cette jeune femme a perdu la vie après avoir été arrêtée en raison du port de son voile jugé inapproprié par les autorités. Sa mort a déclenché un mouvement de protestation d’envergure en Iran et à l'extérieur des frontières du pays.

C’est vraiment très important, parce qu'on sait très bien que ceux qui se battent en Iran, ils exposent leur vie, explique Chowra en évoquant le besoin de la diaspora iranienne d’être la voix de l’opposition à la République islamique.

Le projet de faire renaître le vin perse n’est qu’une petite résistance par rapport à cette lutte, dit Masrour Makaremi, qui voit dans les femmes qui manifestent des héritières du combat de sa mère.

Et s’il mène sa propre bataille à l’extérieur des frontières de l’Iran, il souhaite un jour célébrer sa victoire dans son pays d’origine.

Je suis né à Chiraz et, un jour, j'aimerais que ce vin-là retourne en Iran. C'est ça, l'objectif, la destinée du projet Cyrhus. C'est replanter une vigne à Chiraz, dit Masrour Marakemi.

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