DANS L’œIL D’IVANOH : LES LIMITES DU RECADRAGE NUMéRIQUE

La haute résolution des appareils photo numériques transforme notre métier. Les nouveaux modèles de caméras offrent maintenant des fichiers numériques qui oscillent autour de 50 millions de pixels. Cette abondance de données nous permet de recadrer considérablement dans le même fichier. Une technique qui permet parfois de découvrir une image dans l’image.

Ce bon vieux truc m'a été prodigué par le photographe Patrick Sanfaçon de La Presse. Après avoir choisi un premier cadrage que l’on considère final, on va zoomer dans notre image environ 30 % pour voir si notre œil ne capte pas autre chose. Ce réflexe va souvent changer notre perspective originale et nous procurer à l’occasion de belles surprises.

Cependant, il y a un gros drapeau rouge. La résolution a ses limites! Il y a des facteurs à considérer avant de procéder à une telle pratique. À la base, un agrandissement de la moitié de l’image est souvent le maximum. On peut tricher avec les pixels, mais pas trop.

Puis, il y a une simple analyse visuelle à faire. Si l’on perçoit la forme des pixels, nous sommes allés trop loin. C'est ce qu'il faut éviter à tout prix.

J'ai choisi quelques photos réalisées lors du débat électoral en vue de la présidentielle aux États-Unis entre Donald Trump et Kamala Harris pour illustrer ce sujet.

J’ai constaté que le photographe Saul Loeb de l'agence de presse Getty a recadré des images différentes à partir du même fichier numérique.

Pendant le débat, les deux candidats étaient à une bonne distance l’un de l’autre. Il fallait donc avoir recours à un plan large pour illustrer la dynamique entre les deux politiciens.

Grâce à la haute résolution, si l'expression d’une personne est intéressante, on peut en postproduction recadrer et isoler un des deux intervenants.

Cette information n’est pas banale, car à la prise de vue, on n’est pas constamment obligé de changer d’objectifs, sachant qu’on peut recadrer au besoin en postproduction.

Lors d’une pause publicitaire, Donald Trump à quitté son lutrin. Il semblait plutôt contrarié. Le photographe a voulu isoler l’expression du candidat républicain. Il s'est donc permis de cadrer plus serré, mais à partir du même fichier.

En tout début de débat, Kamala Harris s'est approchée de Donald Trump pour lui serrer la main. C'était un moment important, le seul pendant la soirée où les deux candidats étaient un à côté de l'autre.

L’image est réussie. Le moment de la poignée de main est bien capté et le regard des deux candidats se croise.

Le photographe, ou parfois un éditeur photo, a recadré en plan très rapproché la poignée de main. Le résultat est malheureusement décevant, voire non publiable. On est allé trop loin, les pixels sont omniprésents.

L'apparition de pixels est due à plusieurs facteurs :

  • Le problème le plus fréquent est de trop agrandir l’image
  • Le format de compression des images lors de la transmission peut induire une perte de qualité
  • Lorsque l'éclairage est de faible intensité, on doit augmenter la sensibilité (ISO) de l’appareil photo. Plus que la sensibilité est élevée, plus les pixels seront visibles, donnant un effet granuleux
  • Lorsqu’il y a des noirs très profonds, les pixels apparaîtront rapidement quand on va agrandir la photo. Dans ce cas-ci, le manteau noir de Kamala Harris et le fond noir en arrière-plan ajoutent au problème.

Il est surprenant que l'agence ait choisi de mettre cette photo sur son site. Je m’explique mal cette décision.

Des inondations ont causé des dommages importants dans le sud-ouest de la France au début du mois.

Une partie d’un pont a été déplacée par la force de l’eau. Les débris autour de la structure sont omniprésents dans le cliché. On repère facilement l'homme avec son chandail rouge au centre de l'image.

Une photo informative, bien composée qui nous fait bien comprendre l’état des lieux.

Afin de bien comprendre les problèmes d'agrandissement, j'ai recadré la photo de façon exagérée.

Le gazon sur le pont a une drôle de texture, le contour des formes est saccadé, un peu flou. La texture de l'eau n'est pas très belle. Le fichier numérique est insuffisant, donnant un résultat décevant.

De plus, la perte d'informations visuelles est trop importante. Il est donc souhaitable de revenir à l'image de départ.

Mon clin d'œil de la semaine

J’ai choisi cette image parmi toutes celles que j’ai captées lors de la conférence de presse de Géhane Kamel parce que l’expression faciale de la coroner était adéquate avec la nature du sujet.

Par contre, il y a un problème : la photo était mal cadrée. Elle donnait l’impression que le bureau auquel était installé Géhane Kamel penchait vers la droite.

Heureusement, lors d’un recadrage, il est possible de modifier l’inclinaison générale de l’image. Cette fonction permet d’ajuster l’orientation du cadre vers la gauche ou vers la droite.

En modifiant l’inclinaison du bureau, j’ai rectifié la ligne d’horizon et réglé mon problème.

Quand la résolution me le permet, je me garde un peu d'espace (25 % de plus) pour pouvoir recadrer à ma guise plus tard. Dans ce cas-ci, je pouvais aisément réaliser une photo verticale ou carré.

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